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État limite (2023)
de Nicolas Peduzzi
publié le mercredi 1er mai 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle ACID au Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 1er mai 2024


 


Fils du scénographe et décorateur renommé, Richard Peduzzi, Nicolas Peduzzi a fait ses études aux USA pour suivre les cours de Susan Batson. Après quelques courts métrages, il est reconnu avec son premier long-métrage documentaire, Southern Belle (2018). Puis c’est au tour de Ghost Song, sélectionné à l’ACID 2021. On pourrait présenter État limite comme un miroir déformant du film de Nicolas Philibert, Sur L’Adamant, (1), car tous deux parlent à leur manière de la folie.


 


 

Mais autant Nicolas Philibert montre une sorte de nef des fous dans laquelle les malades sont plutôt bien encadrés et traités, autant Nicolas Peduzzi présente un état des lieux assez désespéré. L’Adamant est une péniche poétique du style de L’Atalante, État limite plutôt un grand paquebot à la dérive sur lequel le capitaine semble errer pour éviter le pire.


 


 

C’est ainsi d’ailleurs qu’il faut entendre le titre du film : l’hôpital, en l’occurrence l’hôpital Beaujon à Clichy, est dans un état limite, proche de craquer car l’État a ses limites qu’on constate chaque jour aussi dans toutes les administrations : hôpital, EHPAD et écoles compris. Le capitaine en question, c’est le docteur Abdel-Kader, psychiatre de liaison, qui navigue à vue aux urgences du service de réanimation, s’occupant de patients atteints de troubles mentaux ou en état d’addiction gravissime. En dépit des impératifs de rendement et du manque de moyens, il s’efforce d’apaiser leurs maux sur cette sorte de radeau de La Méduse.


 


 

Il faut y lire la métaphore de la dérive de nos sociétés néolibéralistes. Comment bien soigner dans une institution malade ? Comment survivre dans une société qui se moque bien de la santé et de la maladie de ses membres ? Le film fait le constat d’une société rongée de l’intérieur par la voracité de son modèle libéral, qui détruit les esprits et les corps, pervertit les moyens qu’elle se donne pour se soigner. La conscience aiguë que tout ne tient qu’au dévouement sacrificiel des médecins et des soignants s’impose. Mais jusqu’à quand ?

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. Sur L’Adamant, Jeune Cinéma en ligne directe.


État limite. Réal, sc, ph : Nicolas Peduzzi ; ph : Laetitia de Montalembert ; mont : Nicolas Sburlati ; mu : Gael Rakotondrabe (France, 2023, 102 mn). Documentaire.



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